Apéro Politique du 97 — Séance du 13 février 2025 : Organisation de l’État et des services publics
Introduction
👉 Apéros Politiques du 97 : Histoire et méthode
Cadre d’échange
Cette rencontre, organisée au Tiers-Lieu Le 97 à Besançon, s’inscrit dans un cycle de huit rendez‑vous mensuels, fondés sur les apports du Grand Débat National. Les fondamentaux de chaque séance sont les mêmes :
- Accord sur les constats partagés, en partant des vécus personnels.
- Tour d’horizon des initiatives, dispositifs légaux, et ressources théoriques.
L’ensemble des documents — invitation, ordre du jour, contributions — reste accessible ici :
Apéro Politique du 97 – Organisation de l’État et des services publics (13 février 2025)
Ce qui s’est dit
Hôpital, Sécu, guichet : fragments de découragement
Certaines voix évoquent des parcours de soins récents : une grave maladie, des examens à répétition, des visites à l’hôpital où le service n’est plus tout à fait là. Il est dit que les procédures sont devenues absurdes : interdiction de prendre des étiquettes en avance, factures complémentaires qui arrivent six mois après, impossibilité de se faire rembourser parce que l’information n’est pas transmise entre professionnels. Une personne raconte qu’un simple retard d’un jour dans le paiement a suffi pour déclencher un contentieux.
Un autre participant s’étonne que dans un grand hôpital public, la gestion des téléviseurs soit externalisée, privatisée, verrouillée par contrat — avec à peine deux chaînes gratuites proposées aux malades. Ce genre de détail, dit-il, paraît anecdotique, mais symbolise un désengagement éthique. Des situations de double facturation sont évoquées, des personnels recrutés pour faire des tâches absurdes. Tout cela génère un sentiment diffus d’absurdité et de gâchis.
Administration : lenteurs, impasses et responsabilités déléguées
Un récit décrit une procédure de renouvellement de carte d’identité : sur le papier, tout semble bien fonctionner, mais plus l’administration se numérise, plus elle devient dysfonctionnelle. Il faut aujourd’hui être mieux informé que les agents eux-mêmes pour obtenir un renseignement fiable. Plusieurs témoignages convergent sur l’idée d’un système où personne ne sait exactement comment ça marche.
Une autre situation concerne un logement transformé en meublé de tourisme. Pendant plus d’un an et demi, aucune réponse des impôts, malgré des courriers. Une voix dit : « il n’y a personne au service, ils ne vous répondront pas ». Ce sentiment d’abandon, doublé d’une désorientation structurelle, rend les démarches kafkaïennes.
Travail social, enfance, justice : les institutions défaillantes
Une parole s’élève autour d’un passé marqué par la violence institutionnelle. La question revient : comment des structures censées protéger peuvent-elles couvrir ou taire des souffrances ? Cela pose une crise de confiance envers l’autorité et interroge sur ce que l’on entend par protection.
Certains soulignent que les adultes doivent être là pour les enfants — non pas pour en faire des citoyens utiles, mais pour en prendre soin. Or l’organisation actuelle, parfois déshumanisée, tend à confondre efficacité et valeur. Ce qui ne produit pas n’est plus reconnu.
Pression managériale, perte de sens et résistances
Dans le champ de l’action publique, des vécus professionnels sont partagés : absence de budget, surcharge, responsabilités déléguées sans moyen d’action. On parle de liberté d’obéir, de management par la contrainte, d’institutionnalisation de l’irresponsabilité. Certain·es ont quitté leur poste pour aller vers des formes plus coopératives, où la parole, l’écoute, la décision se redistribuent.
D’autres disent que même dans des fonctions publiques modestes, la pression est constante, avec un discours entrepreneurial tenu par les élus qui choque : toujours plus, avec toujours moins. On se félicite publiquement des salarié·es qui continuent à travailler pendant leurs arrêts maladie.
Associations, coopératives, ESS : que peuvent-elles ?
Des participant·es questionnent la place des associations et des SCIC : faut-il leur déléguer des missions d’intérêt général ? La réponse est ambivalente. D’un côté, ces structures offrent une souplesse, une capacité à mutualiser, à construire autrement. De l’autre, elles ne garantissent ni l’universalité, ni la continuité territoriale. Et lorsqu’elles deviennent trop grosses, elles reproduisent les mêmes inerties que les institutions publiques.
Certains rappellent qu’il est essentiel de ne pas confondre mission d’intérêt général et service public : l’un peut être assuré par divers statuts, mais le second requiert une certaine hauteur, une capacité à s’extraire des logiques marchandes. Ce que seul l’État, ou ce qui en reste, peut encore parfois porter.
Constats partagés
- Le service public est vécu comme désorganisé, illisible, incapable de répondre à ses missions.
- Il y a une perte de confiance dans les agents, les procédures, les structures.
- L’information légale doit être vérifiée en amont, car les guichets ne savent plus orienter.
- La vérité devient floue, saturée de contradictions, d’inefficacité, de protocoles absurdes.
- Il existe une différence fondamentale entre le service public comme institution et le service rendu.
- L’indépendance de pensée dans les services publics (média, justice…) est menacée.
- Le paradigme dominant est celui de la rentabilité : les services doivent être “productifs”.
- Les agents publics sont épuisés, désorientés, ils n’ont plus la possibilité de dire non.
- Il faut revaloriser les missions non rentables, pensées pour le long terme, pour les minorités.
- Les appels d’offres sont déconnectés des besoins réels, les savoirs de terrain ne remontent pas.
- L’institution coopérative peut être une alternative, mais ne peut assumer à elle seule l’universalité du service.
- Il faut redéfinir collectivement ce que signifie gérer un bien commun.
Ressources et prolongements
Médias, reportages et analyses
- Blast – Qui veut tuer les services publics ?
- Cash Investigation – McKinsey, une firme au cœur du pouvoir
- C’est quoi un think tank ? – Atlas
- [Clément Viktorovitch – chaîne YouTube]
Revues et dossiers
- Alternatives Économiques – Dossier Services publics, janvier 2025
Manuel de défense des services publics
Plateformes officielles
- service-public.fr – portail officiel des démarches administratives
- impots.gouv.fr – espace fiscal citoyen