Dans la presse bisontine du 3 avril 2025, est paru un article à propos d’un diagnostic par le bas amorcé dans le quartier Battant, à l’initiative de citoyens et citoyennes réunis au sein du tiers-lieu Le 97.
Ce travail, que je mène avec Alexandre Moine et d’autres personnes impliquées dans le quartier, s’inscrit dans une démarche ancrée, attentive aux réalités du terrain, construite pas à pas avec celles et ceux qui y vivent. Je tiens à remercier chaleureusement Jean-François Hauser pour le temps qu’il nous a accordé, pour son écoute, et pour la qualité de son article.
Une phrase, glissée en conclusion de son papier, m’a donné envie de prolonger l’échange : elle mérite, me semble-t-il, un éclairage critique:
« Il sera néanmoins nécessaire que les autorités municipales s’emparent de ce travail de terrain pour appliquer des décisions concrètes. »
Je fais l’hypothèse que cette phrase, aussi bien intentionnée soit-elle, reproduit un réflexe problématique que le géographe Alberto Magnaghi identifie avec justesse. Elle témoigne, malgré elle, d’une manière de penser encore très répandue : celle qui attribue aux seules institutions la capacité de transformer la réalité, reléguant le travail citoyen à un rôle de sollicitation, d’interpellation, de doléance.
Le piège des doléances
Dans ses travaux, Magnaghi alerte sur un risque majeur : celui de réduire la participation citoyenne à une logique de doléance. 👉 Pour mieux comprendre cette mise en perspective, vous pouvez lire cet article où Alberto Magnaghi, développe cette analyse et propose d’autres manières de penser l’action collective.
Ce piège consiste à formuler des demandes adressées aux institutions, en considérant qu’elles seules détiennent le pouvoir d’agir. Cela revient à attendre d’en haut des réponses à des problèmes vécus en bas – et donc à reproduire une logique descendante, même lorsqu’on croit faire de la participation.
Or, c’est exactement ce que nous cherchons à éviter avec ce diagnostic par le bas. Avec Alexandre, nous tenons à une précaution essentielle dans notre manière de travailler :
Les actions qui peuvent émerger de cette démarche ne sont pas des prescriptions, ni des injonctions.
Ce sont des pistes de réflexion, des projections possibles, issues d’un travail collectif ancré dans les réalités locales.
Elles ne contraignent personne. Elles ouvrent, elles mettent en mouvement, elles proposent.
Pas un plan d’action, mais une base pour penser
Notre objectif n’est pas de faire valider un plan d’action par les institutions. Ce que nous voulons, c’est rendre visibles des dynamiques, faire émerger des enjeux, créer un langage commun pour réfléchir à ce qui se passe sur un territoire.
Alors bien sûr, si les autorités municipales veulent s’en emparer, tant mieux. Mais ce n’est pas une nécessité, ni même une finalité. La réussite de ce diagnostic, elle est déjà là : dans le processus lui-même, dans le soin apporté à l’écoute, dans la parole partagée, dans l’intelligence collective.
Je refuse que notre travail soit réduit à une demande de plus dans la pile. Ce que nous avons fait, c’est ouvrir un espace pour penser autrement, à partir du bas, sans hiérarchie imposée, sans attendre une validation extérieure. Un travail situé, engagé, et libre.
👉 Pour suivre l’actualité de la Presse Bisontine :
📚 Pour aller plus loin sur les travaux cités dans le présent article :
- Lire l’article complet sur l’histoire, la méthodologie et les résultats du diagnostic par le bas de Battant
- Lire un article sur la question des “territoires du commun” et les tiers-lieux