Je suis intervenue à l'IRTS dans le cadre de la session de formation consacrée au travail en partenariat et en réseau dans le travail social, en 2024 et 2025. Dans ce cadre, les étudiant·es en travail social rencontrent des professionnel·les, des lieux, des pratiques. Ils et elles écoutent, posent des questions, prennent des notes, puis écrivent à partir de ce qu’ils ont compris, ressenti, déplacé. Cet écrit fait l’objet d’une transmission orale au reste de la promotion le jour suivant. Je suis venue partager ce qu’est le 97 tel qu’il se vit au quotidien : un lieu dialogique, porté par l’usage et la parole, par ce qui circule entre les personnes, sans hiérarchie formelle ni projet figé, où les choses prennent forme parce que des gens choisissent, à un moment donné, de faire un bout de chemin ensemble.
Quand je parle d’espace dialogique, je ne parle pas d’un lieu où l’on débat pour tomber d’accord, ni d’un espace de discussion cadré par des objectifs à atteindre. Un espace dialogique est un espace où la parole peut advenir sans être immédiatement orientée, corrigée ou traduite. Un espace où chacun·e peut parler depuis sa place, avec ses mots, ses hésitations, ses contradictions, sans que cette parole soit évaluée ou hiérarchisée. Ce qui compte, ce n’est pas que les discours convergent, mais qu’ils puissent coexister. Que des subjectivités différentes se rencontrent, parfois se frottent, parfois se déplacent, sans que l’une prenne le dessus sur l’autre. Dans un espace dialogique, la parole ne sert pas à produire une vérité commune, mais à rendre possible un faire ensemble, même fragile, même provisoire. C’est une parole qui laisse des traces, qui transforme celles et ceux qui parlent autant que celles et ceux qui écoutent, et qui continue de travailler le lieu après coup.
À l’issue de ces rencontres, des étudiant·es ont pris le temps d’écrire. Ils et elles ont eu la gentillesse de nous transmettre leurs travaux. Nous avons choisi de les partager ici tels quels, sans les corriger, sans les commenter, parce qu’ils constituent des paroles situées, prises à un moment précis de leur parcours.
Ces textes viennent s’ajouter à d’autres. Ils font partie d’un ensemble plus large : celui des paroles d’habitant·es, de personnes de passage, de professionnel·les, de bénévoles, de partenaires, de curieux·ses aussi. Depuis le début, le 97 se construit ainsi : par accumulation de traces, par récits croisés, par points de vue qui ne cherchent pas à se mettre d’accord.
Parole d’étudiant·es — septembre 2025
Texte transmis par les étudiant·es, reproduit sans modification.
Présentation de la structure :
Le 97 est un tiers-lieu social et culturel situé au cœur du quartier Battant, à Besançon, au 97 rue du Battant. Ce lieu a la particularité d’être installé dans l’un des plus anciens bâtiments de la ville, et dans un quartier devenu récemment prioritaire de la ville. Il est porté par le Fondʼaction Alusage. L’ambition du 97 est de créer un espace de rencontres, de transmission et de création, au service des habitants et du quartier. C’est un lieu qui favorise le lien social, le partage de savoirs, l’intergénérationnel et l’innovation citoyenne. Concrètement, le tiers-lieu propose une large variété d’activités : des ateliers numériques, de la formation à la création d’entreprise, des projets divers et variés, mais aussi des actions de bien- être, des rencontres culturelles, des repas partagés, liés à des grands événements ou non, ou encore des débats citoyens. Il y a aussi un jardin partagé, grâce à un permis de végétaliser obtenu en 2022, qui permet de prolonger les activités à l’extérieur en lien avec les habitants du quartier.
Le bâtiment est organisé sur plusieurs niveaux : une salle conviviale modulable pouvant accueillir des réunions et des ateliers collectifs, une salle informatique, ainsi que des espaces de coworking, un studio vidéo et une cuisine partagée. Ces équipements permettent d’accueillir aussi bien des particuliers que des associations ou des porteurs de projets, privés ou publics. Le fonctionnement du lieu repose sur des principes de coopération et de Co-élaboration. Les projets émergent “à l’usage’’, c’est-à-dire selon
les initiatives des personnes qui fréquentent le 97. Ce mode d’organisation s’appuie sur la stigmergie : chacun peut proposer une action, laisser une trace, et les autres peuvent s’y associer. La stigmergie désigne un mode de coordination indirecte entre les individus ou les actions de chacun laisse des traces dans l’environnement qui influencent ensuite les actions des autres.
Chaque vendredi à midi, un temps de “vie coopérative’’ réunit les participants pour échanger sur l’agenda, coordonner les activités et faire vivre collectivement le lieu, autour d’un repas partagé. Enfin, le 97 fonctionne sur un modèle d’autofinancement à l’usage : il n’y a pas de subvention ni de prêts, mais compte sur des dons (une vingtaine de donneurs - avec possibilité de défiscalisation puisquʼétant d’utilité publique) En résumé, Le 97 est bien plus qu’un simple espace : c’est un lieu vivant, où se croisent habitants, associations, entrepreneurs, familles et jeunes, dans l’idée de faire ensemble et de renforcer le tissu social et culturel du quartier Battant et plus largement de la ville de Besançon et toute personne voulant venir au tiers lieux. « Chacun est légitime car chacun a un savoir expérientiel » Christine Jeudy
Les compétences et représentations :
Les compétences qu’un travailleur social doit mettre en œuvre pour travailler en partenariat et en réseau.
Le travailleur social doit savoir s’adapter aux vocabulaires pour échanger
par exemple entre les travailleurs sociaux, les médecins. Il est important
de savoir repérer les besoins du territoire.
Chaque travailleur social a ses spécificités et peuvent donc se compléter et
s’entraider dans leur pratique.
La place qu’occupe la médiation et la négociation dans cette démarche.
Chaque personne est égale au sein du tiers lieu et il n’y a pas de notion de
négociation. C’est surtout de la médiation qui se fait sur des temps de
parole et d’échange. Par exemple, un homme au sein du tiers lieu laisse
toujours sa tasse à café remplie dans l’évier qui pouvait gêner les autres,
il y a eu des échanges à ce sujet, néanmoins, le but était de faire part de
cette gêne sans lui imposer de changer son habitude.
L’évolution de nos représentations.
Nous avons pu voir qu’il n’y avait pas forcément besoin d’un contrat pour
un partenariat. Nous avons pu également apprendre la différence entre les
partenariats et partenaires de service où l’aspect financier rentre en
compte.
Parole d’étudiant·es — septembre 2024
Texte transmis par les étudiant·es, reproduit sans modification.
Le Tiers Lieu le 97 — Présentation par Christine Dornier, Concierge au tiers-lieu le 97
1. Présentation de la structure / de l’institution
Ce tiers lieu est Situé 97 rue battant Le Tiers Lieu est un endroit dans lequel les gens se rencontrent et décident de mutualiser leurs compétences et mettre en commun leur connaissance. C’est aussi un lieu qui transmet. C’est une zone qui n’est pas institutionnalisée, qui n’a pas de cadre financier clair, c’est un lieu où les personnes décident de faire un bout de chemin ensemble. Le fonctionnement global et la gouvernance se base sur la stigmergie : avec la stigmergie, une idée initiale est donnée librement, et le projet est conduit par l’idée, pas par une personnalité ou un groupe de personnalités. Aucun individu n’a besoin de permission (modèle compétitif) ou de consensus (modèle coopératif) pour proposer une idée ou initier un projet. Il n’y a pas besoin de discuter ou de voter une idée, si une idée est intéressante ou nécessaire, elle va susciter de l’intérêt. L’intérêt viendra de personnes activement impliquées dans le système et qui auront la volonté de fournir les efforts pour porter le projet plus loin. C’est donc aussi la stigmergie qui représente le partenariat et le réseau de la structure. Il n’y a donc pas de chef, pas de bureau et pas de hiérarchie. L’organisation physique de gens et pas par idée. La gouvernance se fait également en stigmergie avec des temps de vie coopérative : temps ou se prennent toutes les décisions avec un ordre du jour fait un amont et disponible à chacun. La vie coopérative est le gouvernance du lieu. Le Tiers Lieu est porté administrativement par une coopérative d’utilité sociale. Celle-ci peut traite de question de la tranquillité publique, de la santé mentale ou encore de la consommation de drogue. Le Tier lieu est une Coopérative d’intérêt collectif – elle reçoit les dons des usagers du lieu, elle n’a pas de subvention, pas de prêt ni de financement public. La législation du site est relative au Cadre des sociétés coopératives c’est-à-dire le SCIC, Société Coopérative d’Intérêt Collectif et la Loi numéro
2001-624 du 17 Juillet 2001 (pour rapprocher le client du producteur), ils vendent donc des services Toutes personnes ayant envie de partager un moment et une discussion, ou encore un projet est libre de venir au sein du tier lieu, le public libre ainsi que l’adhésion.2.Présentation des collaborations :
Les différentes parties prenantes identifiées au sein de ce lieu sont d’abord les habitants du quartier Battant mais aussi les commerçants, les travailleurs sociaux, les CPTS ; donc tous citoyens voulant participé à la vie de la collectivité. L’objectif de ces collaborations est de mutualiser les compétences et créer du lien social mais aussi responsabilisé chacun sur le vivre ensemble et la vie collective. Une importance est aussi apporter pour redonner la parole au gens. Les temporalités observées de mise en place du travail en commun peut être résumé par de temps de réunion, commission. Les projets, leur durabilité et temporalité dépend des gens qui viennent et propose des projets selon leurs envies. Les personnes sont dans la libre adhésion donc ceux-ci dépendent de la motivation de chacun. Cela peut représenter parfois une difficulté de mise en place des actions. Certains professionnels sont également sur place et mettent en place des temps de bénévolat dans les locaux. Les difficultés dans la mise en place d’actions nécessitant du travail en réseau et/ou du travail en partenariat peuvent être dans la différence de représentation de faire ensemble et un décalage de temporalité. Dans la coordination et la mise en place du travail en commun relève des TS puisqu’elle doit faciliter la citoyenneté. L’objectif est d’être médiateur entre les parties, de soutenir le projet et accompagner les personnes à se sentir légitimes. Ici il n’y a pas de hiérarchie, tout le monde est sur le même pied d’égalité ce qui facilite le travail en commun. Les outils facilitant le travail en commun, sont des outils créent ensemble tels que les billets d’humeur. Le fait qu’il n’y ait pas de jugement, pas de pression, ni d’enjeux et d’objectifs, la libre-adhésion et la stigmergie sont facilitateurs. quels sont les éléments repérés qui ont permis de mettre ne place un travail partenarial et/ou de réseau ? Quel sens en est donné (finalités, modalités ?) Le besoin d’intérêt collectif ainsi que le besoin de lien social et de légitimité pour les personnes ont permis de mettre en place ce travail partenarial. Le sens est donné par la réalisation d’un diagnostic par le bas, de redonner la parole aux gens quels qu’il soit et redonner la parole aux habitants.
3. Partie réflexive = ce que vous en tirer comme réflexions pour votre pratique
Un travailleur social (TS) doit reconnaître ses limites, que ses connaissances ne sont pas infinies et que donc d’autres professionnels sont à même de répondre à des questions et des besoins pour travailler en partenariat / réseau. En citant Mme Bornier « ma plus grande compétence c’est que je ne sais rien faire ». L’important est également de savoir où aller chercher les informations et de connaître le cadre d’action des missions ainsi que le territoire dans lequel on s’inscrit. Les qualités d’écoute, de non jugement et d’aller vers sont primordiales pour échanger avec elles notamment. L’accompagnement d’une personne ne peut se faire en travaillant seul. Le but est d’utiliser nos compétences avec les gens mais surtout utiliser les compétences des gens en les mettant en avant, c’est pour cela que le travail en partenariat et le travail en réseau sont des plus-values pour les personnes accompagnées ainsi que pour les équipes. Nos métiers respectifs nous montrent que nous sommes tous complémentaires selon nos compétences Il est important de s’écouter et d’arrêter de croire qu’on sait tout car le principal c’est de savoir où aller chercher et de savoir chercher. Nous devons en tant que travailleur social s’acculturer de tous les vocabulaires différents, des langages des partenaires pour parler la même langue. Les billets d’humeurs permettent de laisses la place a chacun. La médiation occupe une place primordiale, elle permet de gérer l’espace entre les individus. Ainsi être autonome c’est arriver à gérer la distance entre soi et l’autre. La médiation c’est la manière dont on se positionne face à une personne et comment on gère l’espace entre les deux. A l’issue de cette première journée nos représentations sur les notions abordées ont plus ou moins évoluées. Découvrir le tiers lieu le 97 nous a ouvert à différents moyens de créer du partenariat, nous pouvons créer du partenariat sans le conventionner. Il est important de toujours garder en tête que le partenariat se fait pour la personne, elle est au cœur des objectifs de ce partenariat. Cela nous faciliterait l’accès au réseau pour les usagers, ceux-ci en font partis mais n’en n’ont parfois pas conscience, ce qui peut aider à les réorienter dans le droit commun
Continuer à collecter
Publier ces textes, ce n’est pas chercher à dire ce qu’est le 97. C’est laisser apparaître ce qu’il fait à celles et ceux qui le rencontrent. Le 97 n’existe pas par une définition, mais par une pluralité de récits. Chaque parole compte, qu’elle vienne d’un·e étudiant·e, d’un·e habitant·e, d’un·e professionnel·le ou d’une personne simplement de passage. C’est ce tissu-là que nous continuons à faire vivre : un espace dialogique, ouvert, où les mots ne cherchent pas à conclure, mais à rester en circulation.