A table, de la rue Champrond à la rue Battant

Restaurant la Boutique d'accueil Jeanne Antide au 97 rue Battant

Le point de départ: un déjeuner à la Boutique Jeanne Antide

Au printemps 2025, me voici invitée à déjeuner à la Boutique d’Accueil Jeanne Antide, rue Champrond à Besançon. L’équipe éducative a pour habitude, tous les quinze jours, d’inviter une ou deux personnes du quartier – habitant·e, voisin·e, partenaire – à partager un repas préparé par les accueillis eux-mêmes. Parce qu’on jardine ensemble, qu’on se croise souvent, ils m’ont conviée en tant qu’usagère du Tiers-Lieu Le 97, simplement en voisine.

La Boutique Jeanne Antide : une association ancrée dans la solidarité locale

La Boutique Jeanne Antide (BJA) est bien plus qu’un lieu d’accueil. C’est une association engagée depuis des décennies auprès des personnes en grande précarité, au cœur de la ville.

Elle intervient sur plusieurs sites à Besançon : aide alimentaire, accompagnement social, ateliers collectifs, santé. Parmi eux, l’accueil de jour de la rue Champrond, situé quartier Battant, joue un rôle spécifique : c’est un espace d’écoute, de répit et de lien, ouvert aux personnes sans domicile stable, souvent déjà suivies par les services sociaux ou les partenaires du territoire.

La Boutique ne se contente pas de nourrir : elle prend soin. Elle facilite l’accès au soin grâce à une permanence médicale hebdomadaire, oriente vers les dispositifs sociaux, et travaille en lien étroit avec le Service d’Accueil et d’Accompagnement Social (SAAS) du CCAS, situé juste en face. C’est là toute la particularité de cette structure : association de terrain mais maillon d’un service public de proximité
Et puis il y a le festival “A Do Mi Ci Le” — ce moment où les frontières s’effacent. C'est un espace ouvert, vivant, où habitants, accueillis et professionnels se retrouvent. C’est un espace où tout se mélange, où la vie reprend sa place, brute et sensible. Chaque année, des artistes venus de la rue, du quartier, d’ailleurs, montent sur scène, épaulés par les éducateurs et les bénévoles de la Boutique.

La Boutique, c’est ça : une asso de terrain, oui, mais surtout une main tendue qui ne se contente pas d’aider — elle redonne envie de vivre, de créer, de ressentir.

Dans l’organisation française, l’État a la responsabilité de la veille sociale, de la mise à l’abri et de la gestion des dispositifs d’urgence. Le Département, chef de file de l’action sociale, est chargé des politiques d’insertion, du RSA et plus largement de la subsistance de base à travers les aides sociales légales. Les communes, elles, ne sont pas tenues d’agir dans ce domaine : la loi leur en donne la possibilité, et certaines choisissent de s’en saisir pour renforcer la solidarité locale, soit par leurs propres services, soit en soutenant les associations de proximité. À Besançon, c’est dans ce cadre que le CCAS appuie la Boutique Jeanne Antide, actrice historique de l’accueil de jour rue Champrond.

👉 Pour les curieux et pour mieux comprendre qui fait quoi dans le social et le médico-social en France, voir l’article : Comprendre le fonctionnement du social et médico-social en France.

Un repas, un déclic

Ce jour-là, attablée dans la salle de la rue Champrond, j’ai mangé un repas digne d’un restaurant gastronomique. Nicolas, qui m’accompagnait, a eu la même impression. Sur le ton de la blague, je dis à Lucie, éducatrice en charge de l’animation de ce temps partagé :

— Mais faut que vous ouvriez un restaurant, c’est incroyablement bon !

Elle me répond du tac au tac :

— Chiche !

On a ri, puis on a ajouté :

— Eh bien, nous, on a les locaux avec Le 97… on se lance ?

Et de là, sans réunion ni plan d’action, la Boutique Jeanne Antide a fait son restaurant au 97, rue Battant le 2 octobre 2025.

Le restaurant du 97 : un prolongement naturel

Ce projet, né d’un repas partagé, s’est installé naturellement. Je laisserai les équipes de travailleurs sociaux et d’accueillis de la Boutique raconter comment elles ont vécu et travaillé ce moment.

Pour moi, tout a commencé avec un repas test le 29 septembre, histoire de se caler avant le grand jour. Puis, le 1er octobre, on a retroussé les manches pour un après-midi de grand ménage collectif : sans étiquette ni rôle figé, ensemble, nous avons mis en place la salle, les tables, la cuisine.

Le jour J, j’étais un peu speed — j’avais oublié la liste des inscrits — puis je me suis laissée emporter. Un restaurant gastronomique, un service impeccable, une ambiance simple et joyeuse. À ma table, les échanges allaient bon train, j’ai oublié de regarder qui servait, qui faisait quoi. Juste un moment partagé, sans hiérarchie, sans statut.

Une table, un monde

Ce repas, pour moi, c’était ça : l’incarnation concrète de ce que peut être le social quand il retrouve le goût du commun. Ni dispositif, ni prestation, ni case administrative. Juste des gens, des liens, des plats préparés avec soin, 27 couverts et la dignité à table.

Photos de Patrice Forsans | MiP

J’ai eu le sentiment de vivre un grand moment, simple et fort à la fois — un moment où le social devient à nouveau un art de vivre ensemble.

Histoire d'un Diagnostic par le Bas
Article de blog n°3: Quartier Battant, Besançon.